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Description |
Descendants d'un schisme dans l'Eglise orthodoxe russe au XVIIe siècle, les vieux croyants ont traversé les turbulences de l'histoire et maintenu leur héritage jusqu'à aujourd'hui. Nathalie Ouvaroff retrace ici leur histoire et nous offre quelques aperçus sur leur situation actuelle et leurs perspectives.Religioscope 2006 |
«Les vrais chrétiens choisissent la voie étroite, je ne pense pas que la Vieille Foi devienne un phénomène de masse dans la Russie d'aujourd'hui», a déclaré lors d'un entretien au journal Le Courrier de la Métropolie le Métropolite Cornélius. Et d'ajouter: «Cependant, l'Eglise véritable peut par sa parole et par son exemple avoir une influence positive sur la société.» Le chef de l'église traditionaliste, qui parlait à la veille du sommet des chefs religieux auquel il n'a pas participé, a par ailleurs égratigné - sans toutefois le nommer - le Patriarcat de Moscou: «Le papillonnage sur les pages des journaux et sur les écrans de télévision ne peut qu'affaiblir l'autorité de l'Eglise aux yeux de la population, la parole de l'Eglise doit être responsable et non pas photogénique», a-t-il souligné. Les vieux croyants représentent environ 1% de la population totale de la Russie et possèdent, selon les dernières statistiques du ministère de la Justice, cinq diocèses et 200 paroisses, contre 131 diocèses et 16.195 paroisses pour l'Eglise officielle (il s'agit ici des vieux croyants dans la juridiction du Métropolite Corneille; comme on le verra plus loin, il existe également d'autres groupes de vieux croyants, NDLR). Les vieux croyants descendent des raskolniki qui ont quitté l'église à la suite des réformes du patriarche Nikon. C'est un «toilettage liturgique» mineur qui provoque au sein de l'Eglise russe un schisme qui perdure jusqu'à aujourd'hui. En 1653, quelques jours avant le début du Grand Carême, le chef de l'Eglise orthodoxe russe fait distribuer dans toutes les paroisses une missive qui introduit six changements dans le rite: signe de croix avec trois doigts au lieu de deux, remplacement de grandes métanies (prosternation jusqu'à terre, NDLR) par de petites métanies (inclination, NDLR), célébration eucharistique avec cinq prosphores (pains utilisés pour la consécration eucharistique, NDLR) au lieu de sept, triple répétition de l'alléluia. Dans le Credo , le Saint Esprit «vraie source de vie» devient simplement «source de vie». Enfin, lors des grands sacrements: baptême, mariage, on ne fait plus le tour du lutrin dans le sens du soleil pour montrer qu'on va vers le Christ, soleil du monde, mais dans le sens opposé. L'année suivante le patriarche Nikon réunit un concile pour entériner ces modifications et mettre les textes russes en conformité avec ceux des Grecs. En fait, il s'agit d'un acte politique: le prélat, qui avait l'oreille du tsar Alexis, avait une idée derrière la tète, dans le sens des thèses slavophiles il pensait que «Moscou avait vocation à devenir la troisième Rome» et se voyait dans la peau du patriarche œcuménique: dans ce contexte il était essentiel de gommer toutes les différences avec Byzance. La ruptureUn certain nombre de laïcs et de prêtres, conduits par l'archiprêtre Avvakkoum et l'évêque Paul de Komolenskiy, refusent de se soumettre. «Nous n'accepteront pas ces innovations dictées par l'antéchrist», déclare au cours du concile de 1654 l'évêque Paul. Nikon, ivre de rage, lui arrache son manteau, et l'envoie dans un couvent. Le concile de 1666 démet Nikon, qui redevient un simple moine et va finir ses jours dans le monastère de Théraponte. Toutefois, l'assemblée, à laquelle participent deux patriarches orientaux, non seulement approuve les réformes de l'ancien patriarche, mais jette l'anathème sur les vieux livres et les vieux rites. Les vieux croyants sont sommés solennellement de renoncer à leurs rites. Dans leur grande majorité, ils refusent. Ils deviennent alors des ennemis de l'église, des schismatiques. L'église officielle, épaulée par le tsar tente d'imposer «la nouvelle foi» par la force. Les récalcitrants sont jetés en prison, bannis, torturés, on leur coupe les oreilles, le nez, on leur arrache la langue, leurs mains sont sectionnées. D'autres sont brûlés vifs ou se suicident par le feu pour échapper à leurs tortionnaires. Avakoum périra sur un bûcher. Deux à trois cent mille vieux croyants fuient dans les forêts et dans les déserts pour échapper aux persécutions. Ils essaiment sur l'immense territoire qui s'étend de la Sibérie orientale à l'Europe de l'ouest. Le célèbre tableau du peintre Sourikov, «La boiarineMorozov», illustre magnifiquement le calvaire des vieux croyants. Certains quittent la Russie: on les retrouve en Roumanie, dans les Etats baltes, mais également par la suite sur d'autres continents: en Australie, aux Etats-Unis, au Brésil et en Argentine. Parias dans leur propre paysEn 1685, la régente Sophie renforce la pression sur les vieux croyants sous l'influence du patriarche Joachim: elle publie un décret qui punit de mort les orthodoxes qui rejoignent l'église traditionaliste. Le tsar Pierre le Grand autorise les vieux croyants à vivre dans les campagnes, mais les soumet à une double imposition et les exploite de façon honteuse. La ville de Saint-Petersbourg est construite par de vieux croyants recrutés pour la circonstance: nombre d'entre eux y laissent leur vie. Sous le règne de Catherine II, les vieux croyants connaissent une période paisible et peuvent pratiquer leur foi librement. Les persécutions reprennent avec le tsar Nicolas I. Leur haine pour un régime qui les persécute fait des vieux-croyants des participants actifs à toutes les rébellions et soulèvements qu'a connus la Russie tsariste, à l'exception du coup d'état manqué des Décembristes. La révolution de 1905 apporte enfin la paix aux vieux croyants: ils peuvent pratiquer leur foi sans craindre représailles et persécutions. Commence la grande période des traditionaliste. Ils investissent dans le capitalisme naissant et deviennent les moteurs du développement économique. Cependant, en 1917, les vieux croyants, qui ne portent pas dans leur cœur la dynastie des Romanov ni l'Eglise officielle, accueillent favorablement la Révolution d'Octobre. Certains y participent activement. De nombreux dignitaires soviétiques étaient issus de familles vieilles ritualistes. Agriculteurs, commerçants, entrepreneurs:
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